Chapitre I : Please allow me to introduce myself ...

Dublin, 7 Mars 1528

L’attroupement s’avança en masse désordonnée à travers les bancs de bois. Malgré l’agitation apparente, un minimum de bruit provenait de la cohue. Les bancs raclèrent sur le sol dallé de l’édifice sanctifié, les retardataires arrivait à pas de loup et furetaient entre les bancs afin de trouver une place et les étourdis ôtaient leurs chapeaux à temps lorsque le Père McMunroe s’avança vers l’autel. Il écarta les bras pour former un « T » et un calme plat et oppressant s’abattit sur l’assemblée. Quelques toussotements étouffés parvinrent de fond de la salle puis seules les respirations lentes et profondes se firent entendre. Le clerc abaissa les bras d’un mouvement solennel et tout le monde s’assit à l’unisson, cette action résonnant en cœur dissonant avec les nouveaux bruits de raclements des bancs. Après une inspiration profonde, le vicaire commença à déblatérer son sempiternelle sermon incluant le châtiment divin et autres banalités habituelles.

Assis au bout de la deuxième rangée, Christopher écoutait d’une oreille distraite la narration du vieil homme. Son regard se perdait dans les vitraux colorés qui filtraient une douce clarté. La bouche à demi ouverte et affichant un sourire béat, accoudé conte le banc et sa joue reposant sur sa main, le fils Doyle donnait plus l’impression qu’on avait affaire à un niais et non pas au fils du riche marchand qui habitait la demeure en haut de la colline. Un violent coup de coude tira la jeune tête blonde de sa rêverie.

« Est-ce là l’attitude que je t’ai enseigné, mon fils ? »

Sa voix était sifflante et un certain agacement pouvait s’en dénoter. Christopher ne se redressa que pour essayer d’éclipser la douleur qui naissait dans son flanc. Il réprima une grimace et tourna son juvénile faciès vers celui plus âgé de son géniteur. Ses yeux sombres dardaient sa progéniture d’un regard mêlant reproche et déception. Cela n’affectait nullement le garçonnet. Cela ne l’affectait plus. Il baissa la tête, sa longue chevelure blonde intentionnellement détaché masquant son visage et son sourire en coin. Après quelques instants, Wallace Doyle reporta son attention sur le sermon interminable du prêtre. Christopher releva la tête et sembla chercher quelqu'un des yeux. Assis non loin de lui se trouvait Tatcher O'Toole. Difficile de manquait ce jeune homme à la chevelure rousse-feu et à la tenue débraillé. Ce dernier avait l’air agité, excité. Instinctivement, il tourna la tête vers son camarade de forfaits et lui adressa un large sourire que Christopher lui rendit, accompagné d’un clin d’œil.

« … Adam connut encore sa femme; elle enfanta un fils, et l'appela du nom de Seth car, dit-elle, Dieu m'a donnée un autre fils à la place d'Abel, que Caïn a tué. Seth eut aussi un fils, et il l'appela du nom d'Énosch. C'est alors que l'on commença à invoquer le nom du seigneur. Ensemble mes fidèles, louons la Seigneur comme l’ont fait Adam et Eve, Abel et Caïn, Seth et Enosch. »

Tous se levèrent dans la salle et prirent une forte inspiration. Le Père McMunroe fit un imperceptible signe de la main et une musique solennelle commença à sortir des tuyaux métalliques de l’orgue. Alors qu’il entamait le chant habituel, il ne remarqua pas l’expression d’effroi et de stupeur sur le visage de ses condisciples. Une épaisse fumée noirâtre s’échappait des tuyaux de l’orgue et étouffé les notes de musique, ce qui donnait au passage un cluster des plus désagréable. Certain commençaient déjà à marcher hâtivement vers la sortie alors que d’autre restait planté sur place. Christopher et Tatcher faisait de leur mieux pour ne pas éclater de rire. Ce n’est que lorsque quelqu’un cria que leur hilarité se fit entendre. Le clerc sembla se réveiller ‘une transe et regarda les fidèles d’un air ahuri. Il se retourna et vit une immense forme brumeuse noirâtre.

« Quel est ce maléfice ?! »

La peur lui arracha un cri suraigüe et il traversa à coup de grande enjambées la nef de l’édifice, manquant à plusieurs reprises de se prendre les pieds dans sa soutane. Le nuage de poudre de charbon commençait à prendre une telle ampleur qu’il devenait pratiquement impossible de respirer. Suffoquant à moitié mais gardant leurs sourires satisfaits, les deux gredins quittèrent à leur tour l’église, heureux de leur nouveau forfait.

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[…]

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