Le matin d'une vie


Il faisait froid. Un froid à vous geler les orteils. Meredith courait dans les rues de Londres sans chaussures et avec sur elle une légère sous robe. Des larmes coulaient le long de ses joues et elle n'arrivait plus à se calmer. Son corps était sans cesse secoué de tremblements et un hoquet lui empêchait de crier. Son bras droit rougit de sang commençait à lui faire de plus en plus mal mais la jeune fille ne voulait pas s'arrêter de courir. A travers ses larmes, elle parvint à voir une étroite ruelle se dessiner sur sa droite. Elle y entra et, épuisée, se laissa glisser sur le sol déjà recouvert d'un épais manteau blanc. Ses yeux se fermèrent et elle revécut les évènements qui venaient de se dérouler.

Ce matin-là, Meredith travaillait encore en tant que servante dans une maison de bourgeois à Londres. Elle y travaillait depuis ses 12 ans et jamais elle n'avait faillit à sa tâche. Obéissante et travailleuse, elle s'était même liée d'amitié avec la fille de cette maison, Barbara mais aujourd’hui, tout avait basculé d'une façon que la jeune fille n'aurait jamais imaginé. La matinée s'était déroulée normalement, et Meredith avait suivit les nombreux va- et vient de la famille dans la maison. La maîtresse de maison se nommait Charlotte, elle passait ses journées à coudre et à découdre des vêtements qu'elle ou sa famille ne portait jamais. " Ne rien faire c'est perdre son temps" disait elle sans cesse. Son mari s'appelait Francis, c'était un grand apothicaire de Londres, un homme responsable et honnête bien qu'il ne soit jamais là pour sa famille. En bref, une petite famille londonienne sans histoire qui allait à l'église tous les dimanches. Meredith avait maintenant 16 ans, et elle travaillait avec toujours autant d'entrain que le premier jour.

Le soleil était déjà couché depuis quelques minutes et la jeune fille finissait de nettoyer le sol du petit salon quand Charlotte rentra d'une balade matinale, le visage blême et à bout de souffle. Meredith s'approcha d'elle et l'aida à s'asseoir dans un fauteuil, et lui enleva son épais manteau. La dame ne respirait plus normalement, et même sans connaissance médicale, elle sentit que sa maîtresse n'allait pas tarder à mourir. Sans attendre, elle courut dans la cuisine et prépara une grande bassine d'eau et une serviette. Elle ne savait vraiment pas quoi faire car c'était la première fois qu'elle voyait quelqu'un dans cet état. Renversant de l'eau sur le plancher à peine nettoyé, elle apporta la bassine près de sa maîtresse et lui posa la serviette sur son front brûlant de fièvre. Elle sortit ensuite dans la rue à la recherche d'un médecin. Elle en trouva finalement un quelques minutes plus tard et rentra à nouveau dans la maison. Charlotte semblait de plus en plus faible, et dans un murmure, elle appella sa fille. Meredith s'agenouilla devant elle et lui expliqua que sa fille était partie en voyage avec son fiancé et qu'il était à présent impossible de la contacter. A se moment là, Charlotte attrapa le bras de Meredith et lui fit signe d'approcher.

- M... Merci pour tout ce que tu as fait pour notre famille. On n'aurait jamais su trouver meilleure domestique que toi. Dit elle dans un souffle. Je me meurs à présent... Mais je veux que tu restes ici pour servir mon mari comme il se doit et ma fille, si elle revient un jour... Considère ça comme mon dernier ordre à ton égard. Laisse moi à présent.

Meredith promit à sa maîtresse d'exécuter ses dernières paroles et la laissa seule avec le docteur. Quelques minutes plus tard, elle était déjà partie de l'autre côté. Mais Meredith continua ses tâches et ses devoirs. Quelqu'un de son rang ne pouvait pas se permettre de pleurer et devait veiller à ses devoirs quoi qu'il puisse se passer. Le soir ne tarda pas à tomber, et Meredith termina enfin ses corvées. Elle se sentait vidée et épuisée par les évènements de l'après midi. Et elle ne s'empêchait de se demander dans quel état rentrerait son maître, ayant sans doute été prévenu de la mort de sa femme. Il ne rentra que tard dans la nuit, dans un état qui semblait pire que d'habitude. Meredith sentit une forte odeur d'alcool et de tabac dès qu'il ouvrit la porte. Elle s'empressa de venir lui enlever son manteau. La jeune fille sentit son regard, un regard qu'il n'avait jamais eu auparavant. Un regard un peu fou. Meredith aurait vraiment pensé que toute trace de raison l'avait quitté. Il cria à Meredith de le conduire à sa chambre et la jeune fille obéit, bien qu'elle pensa qu'il avait surtout besoin d'un bon bain. Une fois dans sa chambre, il s'assit sur le lit et la regarda fixement.

- Viens près de moi, toi. Enlève tes vêtements, et ne discute pas mes ordres.

Ces paroles désarçonnèrent la jeune fille, qui recula vers la porte. Elle balbutia quelques paroles mais il n'écoutait pas et furieux qu'elle ne lui obéisse pas, il se leva et tomba par terre et jurant. Meredith s'approcha et l'aida à se relever, en le poussant vers la salle de bain. Mais il devait peser beaucoup plus qu'elle, et il ne bougea pas d'un pouce. Il leva sa main et arracha le corsage de la jeune fille. Meredith se releva d'un bond, ne portant sur elle plus que sa sous robe, et, prise de panique, elle courut hors de la chambre et perdut ses chaussures dans l'escalier. Elle ouvrit la porte de la maison et sans attendre, se mit à courir dans les rues de Londres.

Elle se sentait mal, un mal qu'elle n'avait jamais connu avant et qui lui serrait la poitrine, un mal qui paralysait ses membres et sa tête. Les dernières paroles de Charlotte résonnaient encore dans sa tête, maintenant mêlée aux paroles insensées de son mari. Elle se sentait mal de ne pas avoir tenu sa promesse, mais elle savait qu'elle avait fait le bon choix. Après avoir épuisé son stock de larmes, Meredith s'endormit dans la neige.

L'après midi d'une vie

9 ans se sont écoulés depuis cette histoire. Aujourd’hui, Meredith a 20 ans et elle a complètement effacé ce moment de sa vie de sa mémoire. Cependant, sa vie est loin d'être aussi calme que celle de sa période des 12-16 ans. Elle est toujours au service de familles, mais elle n'y reste jamais très longtemps. Elle ne s'attache à personne et chaque fois qu'une amitié naît dans une famille, elle s'enfuit dans la journée et réapparaît dans une autre famille quelques mois après. Quand elle n'est pas au service de quelqu'un, Meredith erre dans les rues de Londres et vole de quoi manger dans les boulangeries et les épiceries du coin. Elle s'y fait d'ailleurs beaucoup d'ennemis. Policiers, et artisans sont sans arrêt à ses trousses mais cette vie l'amuse vraiment et elle se sent libre de faire ce qu'elle veut, du moins, pour le moment...

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