La jeune femme venait de refermer son livre de compte qu'elle tenait régulièrement à jour. Les clients affluaient ces temps-ci ce qui était bon signe, Jane finissait par étendre son pouvoir à Londres. Le bordel qui lui faisait concurrence n'arriverait certainement pas facilement à la détrôner, même avec l'autre étrangère. Jane sourit légèrement, elle aimait le pouvoir plus que de raison, presque autant qu'elle aimait l'argent dont elle avait tant manqué plus jeune. La jeune femme se leva du siège et appela Mary sa servante, tout nouveau présent de l'une de ses conquêtes fou amoureux de Jane la fatale. Une jeune enfant d'à peine 16 ans fit son entrer et aida Jane à nouer son corset. Jane posa son regard sur la jeune fille et des souvenirs lui apparurent tels des flashs douloureux.


Une ruelle, Jane tendant la main pour quelques sous, la faim lui creusait le ventre mais ce n'était pas sa motivation première. Elle pensait à ses frères et soeurs, surtout à Jeannot qui était malade depuis bientôt deux semaines et à sa mère qui ne s'était pas nourrit depuis plus de quatre jours. Il fallait qu'elle rapporte quelques sous ce soir, la vie de sa famille était en jeux. Depuis la mort de leur père, la situation des Johnson était devenue critique et les enfants, excepté Jeannot, étaient parti mendier en ville. Jane n'aimait pas cette situation, elle se sentait faible et impuissante face au destin et à la malchance qui semblait s'acharner sur eux. Que pouvait-elle faire ? « Hey toi là ! » La jeune fille releva la tête, sortant de ses pensées et fit sur-le-champ une petite courbette devant l'homme qui semble être un personnage important. « Oui, mon seigneur ? » « Crois-tu vraiment pouvoir gagner de l'argent sans rien donner en échange ? » « Je...je ne sais pas, mon seigneur, j'imagine... » « Que dirais-tu de gagner ceci en échange d'un petit service ? » L'homme ouvrit sa bourse et en sortit quelques pièces d'or. Jane surprise haussa les sourcils et refit la révérence devant l'homme « Tout ce que voudra mon seigneur » « C'est toi que je veux. »La jeune femme mit quelques secondes à comprendre, elle allait refuser quand la vision de sa mère et de Jeannot refit surface. Elle fronça les sourcils puis acquiesça d'un léger signe de tête. L'homme l'attrapa par le bras et l'emmena dans une ruelle sans âmes qui vivent. La douleur et la honte qu'elle ressentit lors de ce sinistre moment étaient indescriptibles, elle se promit de ne plus jamais réitérer cette expérience mais le désespoir de sa famille la poussa pourtant à recommencer. C'était de l'argent simple à gagner, peu à peu la famille réussissait à sortir de la misère et Jane était plus qu'heureuse d'apporter cela aux gens qu'elle aimait, quoi qui lui en coûtait. Mais des soupçons sur ses activités finirent par naître dans les yeux de sa mère, sa fille avait changé, elle était devenue plus froide, plus sûre d'elle, elle passait plus de temps à s'apprêter, et que signifiait le bracelet en argent retrouvé sous son oreiller ? Un jour, la mère inquiète suivit sa fille dans les dédales de Londres et fût choquée de voir sa fille en compagnie de messieurs de « la haute ». Quand Jane rentra ce soir-là, elle vit sa mère devant un petit baluchon qui contenait ses affaires. Avant qu'elle ait pu se justifier, Jane se retrouva dehors, dans la nuit.


« Madame, voulez-vous que je vous peigne les cheveux ? » Jane sortit de ses pensées. « Non merci, Mary je vais me débrouiller. » Mary aida Jane à enfiler la lourde robe et sortit. Jane avait aujourd'hui un client régulier, il fallait qu'elle soit parfaite. L'argent qu'elle allait gagner aujourd'hui lui servirait à s'acheter un nouveau matelas et quelques autres meubles pour l'appartement. Jane peignit ses cheveux, ses boucles brunes encadraient parfaitement son visage de poupée. Mary finit par apparaître sur le palier « Votre client est là Madame. » « Très bien, fais le entrer. » Odon pénétra dans la chambre. « Bienvenue mon cher, je commençais à m'inquiéter de ne plus te voir » « Tu sais très bien que je ne peux rester très longtemps éloigner de cette pièce Jane. » Le chevalier parcourut rapidement la distance qui les séparait et passa ses doigts rugueux sur la peau lisse du visage de la prostituée. Il défit sa robe, la jeune femme toujours vêtue de son corset et de son jupon le fit basculer sur son lit avant de se mettre à califourchon sur lui. Des coups sur la porte retentit, la voix de Mary résonna de l'autre côté « Madame quelqu'un souhaite vous voir. » « Mary, je t'ai dit de ne pas me déranger quand je suis avec un client. » « Mais c'est votre frère Madame. » Jane se leva du lit, les sourcils froncés. « Je te demande pardon Odon, mais je dois régler cette affaire. Tu peux rester m'attendre ici si tu le souhaites ou demander à Mary de te rembourser. » « Je vais t'attendre Jane mais dépêche-toi. » La jeune femme acquiesça, prit son châle et sortit. Elle trouva Jeannot, penaud assis dans l'un des fauteuils devant la cheminée il contemplait la pièce du regard. Jane vivait modestement mais l'appartement de Jane représentait déjà une grande richesse pour sa famille. « Que veux-tu Jeannot ? De l'argent j'imagine. » « Tu sais que si je viens vers toi c'est que je ne peux pas faire autrement. » Jane le foudroya du regard, sa famille l'avait mise dehors et venait ensuite récupérer l'argent issue de son activité si honteuse. La jeune femme leur en voulait mais elle ne pouvait rester insensible. Elle se dirigea vers le petit coffre et prit la petite clé qui se balançait au bout d'une chaîne dans le creux de ses seins. Elle ouvrit la boite et en sortit quelques pièces d'or qu'elle donna à Jeannot. « Sors d'ici maintenant. » Jeannot la remercia du regard et disparut. Quand à Jane, elle partit retrouver son client en se disant que le nouveau matelas devra bien attendre.

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