* 5 octobre 1502: Les premières lueurs de l'aube viennent d'apparaitre quand les cris cessent, James Fenton s'approche de l'embrasure de la porte et une servante lui fait signe d'entrer.Le baron s'introduit dans la pièce et aussitôt demande d'un ton détaché, sans accorder un regard à sa femme: "alors?" "Vous avez eu un fils." Un pâle sourire se dessine sur le visage aristocratique du maitre de céans."Bien!Enfin quelqu'un pour reprendre le nom des Fenton et le porter au sommet, vous avez fait du bon travail ma chère." Puis, après avoir jeté un bref coup d'oeil au garçon braillard et s'être assuré qu'il n'avait rien d'anormal, il s'écarta et quitta la pièce, laissant le nourrisson dans les bras de la sage femme

*24 Mai 1521: Le nourrisson est devenu un homme bien bâti de 20 ans, les cheveux chatains foncés et les yeux d'un bleu électrisant, il parcourt, fier comme Artaban les rues de Londres sur son tout nouvel étalon gris souris, toisant les gens qu'il croise sur son chemin, faisant des grimaces aux mendiants avec une bande d'amis aussi prétentieux que lui. Ils ont la jeunesse et l'argent pour eux, rien ne peut les arrêter. Au détour d'une rue pavée, il voit une fillette haute comme trois pommes, pour son jeune âge elle est jolie, plaisante à regarder. Il en fera donc sa possession, qui sait! Dans quelques années elle sera sûrement la belle de Londres, mais il sera le seul à pouvoir la toucher. Un sourire aux lèvres, sûr de lui, il descend de sa monture, l'attache à un anneau sur le côté du mur et rentre dans ce qui semble être un lieu où l'argent circule à flot. L'homme derrière son comptoir écoute le fanfaron qui se tient devant lui et se frotte les mains. L'affaire est conclue, à ses seize printemps, elle sera à lui. Il examine une dernière fois la marchandise- pour un peu, elle l'attendrirait- et ressort , l'air satisfait.

22 décembre 1522: Il a pris quelques toises depuis ses 14 ans et son visage d'éphèbe s'est endurci. Dans les bois ,emmitouflé dans une pelisse de renard et vêtu chaudement, il galope dans la neige, excité comme un gosse. Ses chiens courent au devant et il les encourage. Donnant un coup de talon dans les flancs de la bête, il s'élance derrière sa proie, les chiens rattrapent le chevreuil et sans pitié plantent leurs crocs dans le pelage délicat de l'animal. Ralph met pied à terre et d'un coup de poignard met proprement fin aux jours de la proie, un grand sourire aux lèvres. Voilà 5 bonnes heures qu'il le traquait. Tournant la tête, il entend des pas s'éloigner furtivement de l'endroit et se met en tête de poursuivre l'intrus. C'est un homme de son âge qui tient des pièges et s'efforce de s'en aller discrètement. Fenton le rattrape et d'un grand coup de poing , le met à terre. " Tu es ici sur mes terres, manant, et pas un lapin ne passera sur ta table sans que je l'ai décidé." Faisant un signe à un servant qui le suit dans sa chasse, il lui indique de ramener l'individu à Clifford House. "1 nuit au piloris pour ce vaurien!". Le paysan baisse les yeux mais se considère heureux d'écoper de si peu car le jeune maître des lieux est réputé dans les alentours pour être dénué de toute compassion pour les êtres vivants qui l'entourent, qu'ils soient des animaux ou des êtres humains. Il s'attendait à pire mais peut être qu'au fond ce garçon a simplement été trop pourri gâté et qu'on ne lui a pas appris à faire la différence entre le bien et le mal.

*14 Août 1527: Les demoiselles chuchotent dans la demeure du comte de XX. L'heure est aux festivités, le vin coule à flot, la musique accompagne les pas des danseurs, tous grâcieux et enjoués . Dans un coin de la pièce Fenton observe les donzelles de l'assistance. Certaines pourraient être les sujets de portraits , elles sont si pâles et leurs cous si délicats qu'il ressent l'envie de glisser ses doigts sur leurs peaux d'albâtre. Il s'approche de l'une d'elles, les yeux pétillants le sourire aux lèvres et après une courbette lui propose une danse.Elle ne se fait pas prier, Fenton est un bel homme et se faire ainsi accoster par lui est flatteur.Après une ou deux danses, il la mène dans le couloir et les yeux fiévreux l'embrasse jusque dans le décolleté de manière brutale. La pauvre a beau se débattre, elle ne peut pas grand chose, la musique couvre ses pleurs et les servants passant dans le couloir ont appris à ne pas commenter les faits et gestes de plus nobles qu'eux.

* 1536: Les années ont passé, il n'a pas changé, toujours le même air séduisant, toujours les mêmes mauvaises habitudes. Seulement il n'est plus aussi fringuant qu'autrefois, les femmes se sont lassées de cet homme qui prend des grands airs alors qu'il n'est qu'un baronnet de province. Son domaine est mal géré en raison de ses trop nombreuses absences et dépenses. La tête enfouie entre ses deux mains, les yeux fermés, il comprend qu'il est temps de changer les choses et d'accorder un peu d'attention à cette jouvencelle qui est sienne. Bientôt il lui rendra visite et ils se marieront. Qu'elle le veuille ou non du reste! Cette petite bourgeoise si jolie soit elle a déjà bien de la chance qu'un Fenton pose ses yeux sur elle.

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