« Il paraît que le bonheur est à portée de main. Alors on tend la main et on se retrouve fou. » C'était une soirée glaciale de Janvier. Il faisait bien trop froid et le givre présent sur les vitres en témoignait. Près du feu, une jeune femme était allongée, sur le point de donner la vie. Près d'elle, son époux tentait de la rassurer, de la calmer et de l'apaiser, rajoutant de temps à autre une buche dans le feu pour lutter contre les baisers glacés du temps. Par chance, une matrone avait fait le déplacement pour aider la jeune mère et pour faire en sorte que tout se passe pour le mieux. C'est au bout d'une heure de souffrance que naquit l'enfant. Exténuée, le visage perlé de larmes, quelle ne fut pas la joie de cette jeune femme lorsque l'on déposa sa fille dans ses bras. Oui, c'était une petite fille. Le père les rejoignit quelques secondes après, encore secoué par tant d'émotions. Cet instant, je me devais de vous le conter. Pas seulement parce que ce fut le jour de ma naissance, mais surtout parce que ce fut l'un des rares moments de joie de notre famille.

Naître noble est une chance inconsidérable. A partir de cet instant, on est assuré de ne pas souffrir de la faim ou encore du froid, de ne pas frôler la poussière de vos pieds nus et bien d'autres choses dont je n'aurais pas le temps de mentionner. Mais est-on réellement heureux ? Ma mère disait que la véritable richesse est celle de l'âme, je comprends cette phrase à présent. Moi, femme du peuple, je n'ai rien à envier aux bourgeois, aux nobles, et à toutes ces autres personnes qui possèdent un nom et un statut. Je possède quelque chose de bien plus grand encore, quelque chose qu'ils n'ont pas : La liberté. Je suis libre d'aller où bon me semble, libre de prendre une décision, libre de penser. Voilà pourquoi je préfère avoir les mains dans le terre toute ma vie que d'avoir nombre de serviteurs et de conseillers qui vous empêche de vivre et de respirer. Bien sûr que notre vie n'est pas facile, que nous sommes condamnés à travailler jusqu'à notre dernier soupir, mais qu'importe ? Je me contente de ce que j'ai.

Ma mère. Ce petit bout de femme aux idées révolutionnaires, m'en à appris beaucoup. J'aimerais tellement lui ressembler aujourd'hui : Avoir son courage, sa patience, sa détermination. C'était une battante, et personne la connaissant ne pourrait le nier. Elle a lutté jusqu'au bout, mais la maladie finit par l'emporter, alors que e n'avais que six ans. Mon frère et mon père furent dévastés. Moi, je le fus de l'intérieur. A partir de cet instant, je du prendre les choses en main. Cuisine, tâches ménagères, j'aidais même mon père à tenir sa petite librairie. Mais rien de tout cela n'aurais été possible sans notre voisine. Elle m'a pris sous son aile et m'a fait part de tout son savoir, m'élevant comme sa propre fille. Mais il semblait que Satan n'en avait pas finit avec moi. C'est alors qu'il m'arracha ma deuxième mère. J'étais pleine de rage et de tristesse, mais comme à mon habitude, je ne dis rien. Je me taisais.

Les années qui suivirent passèrent comme un éclair et je n'en garde pas un souvenir précis. Tous les jours se ressemblaient, entre travail, faim et maladie. Entre temps, je m'occupais presque seule de la libraire familiale, les forces de mon vieux père l'abandonnant peu à peu. Je ne sais par quelle force incroyable, j'arrivais à tout gérer à la fois. Mon frère, quand à lui, avait réussi à rentrer dans la cavalerie. C'était à présent un beau et fier chevalier du Roi. C'est en partit grâce à lui que notre vie devint moins amer et que nos finances s'élevèrent. De plus, les gens se faisaient de plus en plus nombreux dans notre librairie, ce qui redonna le sourire à mon père et lui redonna le moral pour reprendre son activité. Aujourd'hui, notre existence est plus douce, et en ce qui concerne la mienne, un certain chevalier n'en est pas pour rien. J'avais entendu parler de lui par mon frère, de ce jeune homme nommé Gregoire. Inutile de vous dire ce que je ressentis lorsque, pour la première fois, je le vis entrer dans la librairie. Entre petits sourires et regards, il était indéniable que j'étais sous le charme. Nous nous revîmes plusieurs fois, mais jamais je n'osa lui faire part de mon amour. Après tout, c'est un chevalier, et moi, je ne suis qu'une femme du peuple.

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