L'amitié... Souvent Tobias se disait qu'elle le perdrait ! Il avait fallu une fois encore qu'il sorte Gawain d'une mésaventure qui aurait pu lui coûter cher, très cher ! Son ami se croyait toujours au dessus des lois et des autres, il s'était bien calmé auprès de sa tendre épouse Mathilde seulement il déprimait depuis que cette dernière avait encore fait une fausse couche. Comment Tobias pourrait il lui en vouloir de trop boire et se mettre dans le pétrin à tout va ? Cependant il espérait bien avoir une conversation avec lui car cela ne pouvait plus durer. Il ne pourrait pas éternellement venir le chercher et régler ses dettes. Sans compter que maintenant il se retrouvait en prison par sa faute ! Ce n'était pas la première fois mais Tobias n'était pas amateur de ce genre de lieu sâle, puant et j'en passe.
Cet après midi donc alors qu'il était passé à la taverne récupérer un Gawain en piteux état, le propriétaire n'avait rien voulu savoir et voulait à tout prix que le jeune homme aille en prison. Tobias tenta alors de l'amadouer par de belles paroles mais cette fois son charme n'opéra pas et là... impossible de vraiment savoir comment la conversation avait dégénérée mais toujours est il qu'il fut pris en pleine bagarre avec le proprio, les poivrots et Gawain par les soldats du roi.
Il se retrouva donc à la Tour de Londres quelques heures plus tard, frissonnant à l'idée que son mentor - Thomas More - y avait vu défiler ses derniers jours. Les gardes le séparèrent de Gawain et l'amenèrent dans une cellule déjà occupée. Il pria en son fort intérieur pour ne pas tomber sur un ivrogne malade. S'il était des choses que Tobias ne supportait pas c'était bien la crasse et la maladie. Précieux ? Peut être bien, oui. Au moins avait il droit à une cellule disons... de la haute ! Il entra dans la pièce exigue sans rechigner cependant et posa un regard furtif sur son occupant. Il eut un peu de mal à le reconnaitre au premier coup d'oeil vu son état mais lorsque les gardes refermèrent la porte, il ne pu s'empêcher de lever les yeux au ciel. Quel bonheur... On ne pouvait pas dire qu'ils étaient ennemis, mais pas amis non plus. Ralph Fenton avait le don d'exaspérer Tobias. Serait il en mesure de supporter sa bêtise en ce jour ? Il n'était pas homme à perdre vite son sang froid mais il avait les nerfs en pelote à cause de cette soirée gâchée. Il passa une main dans ses cheveux et s'approcha de la fenêtre aux barreaux épais. Comment Thomas avait il tenu bon, la foi infaillible, dans un tel lieu ?
Ses pensées furent interrompues par la voix de Felton et son ton condescendant. Tobias soupira et se tourna vers lui avec un regard blasé. « Que veux tu, baron ! Il faut bien que l'un de nous utilise son cerveau à des fins plus intellectuelles que d'hésiter entre deux vins, non ? » Il finit sa phrase avec un sourire en coin.

Etait -ce l'alcool et l'homme qui ne faisaient pas bon ménage ou tout simplement les hommes entre eux ? Tobias n'avait pu résister au plaisir d'envoyer quelques pics au baron et lui rendre son tutoiement. Peut être avait il et lui non mais cela ne l'intimidait guère, surtout avec un individu comme lui. De toute façon selon Tobias l'on ne jugeait pas la grandeur ou la qualité d'un homme par le rang social dont il avait hérité. Et le respect n'était point chose acquise, il se méritait. Ce n'était pas non plus les preuves physiques d'une bagarre qui allait le faire trembler, lui aussi savait se battre quoique le baron eut l'air d'en penser. D'ailleurs sa remarque au sujet de la raillerie de Laurentis lui soutira un sourire moqueur. « Oui je suis assez doué avec les mots. Et il semblerait que vous ayez encore beaucoup à découvrir à mon sujet.» Et voilà que Felton semblait tenir à se justifier sur son état quelque peu inhabituel. Tobias souleva un sourcil et l'écouta jusqu'au bout trop curieux pour l'ignorer. Mais lorsqu'il le traita de fillette, il grinça des dents. Il sentit aussi une vague d'adrénaline monter en lui lorsqu'il s'installa sur la banquette comme si Tobias allait accepter d'être traité comme un moins que rien. « Je ne suis point un chien et la fillette que je suis mérite votre galanterie, non ? » Sans attendre la réponse du baron, il s'approcha de lui et vira ses jambes de la banquette pour y poser ses fesses. « Je pense qu'aucun de nous ne pourra s'allonger à sa guise ce soir, cher baron. » ajouta - t-il avec un ton de défi. Etait-ce le lieu qui le rendait d'humeur querelleuse ? Ou juste sa fierté qui parlait ? Toujours était il qu'il était prêt à se défendre si Ralph avait envie de jouer sa place sur la banquette. Il n'avait peut être point autant de combats à son actif que lui, mais il était robuste, fourbe, et il avait tous ses esprits contrairement à lui. Il était prêt à lui montrer que les "petites gens" étaient aussi capables de lui mettre une rouste ! Quitte à morfler aussi. Et comme qui dirait : il faut se méfier de l'eau qui dort...

Evidemment que le baron se fichait de mieux connaitre Tobias, ce n'était qu'une expression. Après tout lui non plus ne voyait pas l'intérêt qu'ils se découvrent, ils n'avaient rien à faire ensemble. Déjà qu'il devrait le supporter dans cette cellule jusqu'à ce que l'on décide de les en faire sortir. Pourvu que ce ne soit pas long... Les minutes lui semblaient déjà durer des heures !
Une chose était certaine, il ne laisserait pas Fenton se croire dans ses petits souliers, à la maison. Puisqu'il le traitait de fillette, il joua sur les mots pour avoir une place sur la banquette. Il leva les yeux au ciel en entendant la réponse du baron qui se disait ne pas être un modèle de galanterie pour les femmes. Il n'y avait pas à en douter. Pour qui cet homme avait un peu de respect ? Même pas pour lui même alors comment en espérer qu'il en ai pour les autres ? Il ne pris cependant pas la peine de relever et repoussa ses jambes afin de prendre place lui aussi sur la banquette. Il se mit à rire en entendant l'argumentation du baron pour garder la place. « Je connais les droits de l'aîné dans une famille, mais... nous ne sommes pas de la même famille, ni chez vous. Quand au respect, ça se mérite. Ce n'est pas un acquis, sauf pour notre Majesté il va de soi. Mais après un tel accueil, pourquoi ferais je preuve de respect envers un individu comme vous qui se fiche bien des autres ? Quand à vôtre état, il n'est ps si déplorable et vous l'avez sans doute mérité. Me tromperais - je ? » Au même instant, alors que les deux hommes étaient dans une joute visuelle, Ralph se plia en deux et vomit. Tobias reçu quelques jets du liquide malodorant sur le haut de ses chausses et grimaça. Il porta une main à son nez pour lui épargner un minimum l'odeur. « Puisse notre seigneur avoir pitié de moi... » murmura-t-il. Puis il soupira avant de se lever pour prendre le récipient d'eau. Il n'avait pas peur que Ralph récupère la place, mais plutôt qu'il lui vomisse dessus. Revenant vers lui, il lui tendit l'eau. « Débarbouillez vous donc. » Il avait beau ne pas l'apprécier, il aimait encore moins l'idée qu'il puisse rester dans cet état à ses côtés. Il ne regarda pas ce que le Baron avait régurgité, il luttait déjà contre la nausée. Il tenterait bien d'appeler quelqu'un pour nettoyer cela mais il connaissait la réponse. Pourvu que le temps passe vite...

Le baron tentait de se défendre sur ses mauvaises manières mais ses arguments ne tenaient pas la route aux yeux de Tobias. Il était dépourvu de savoir vivre, voilà tout. Et en plus, il osait se victimiser. Laurentis leva les yeux au ciel, on ne peut plus exaspéré, et désespéré ! Au moins le baron avouait il cherché les coups. Et bientôt il les chercherait à nouveau...
Après avoir du subir sa présence déplaisante, Tobias l'entendit vomir. Il ne manquait plus que cela ! En plus l'énergumène, ne se levait même pas pour se rafaichir. Certes cela n'ôterait pas l'odeur infecte qui se dégageait de lui par tous les pores et qui maintenant qu'il avait régurgité, envahissait toute la cellule, mais ce serait un moindre mal. Tobias se dévoua pour lui apporter le récipient avec l'eau, quitte à perdre son morceau de place sur l'espèce de couchette. Ralph ne le remercia pas mais l'intention y était dirons nous. Tobias l'observa se débarbouiller puis boire. Il se demandait encore comment une personne de son rang pouvait terminer de la sorte.
Mais le pire restait à venir ! Alors que le beau brun déporta son attention vers la porte de la cellule d'où venait des bruits, comme si quelqu'un marchait dans le couloir, le baron renversa l'eau qu'il restait sur lui. Et ce n'était pas un accident ! Tobias avait juste eu le temps de le voir du coin de l'oeil mais pas de l'esquiver. Il se leva d'un bon, les poings et la mâchoire serrés. Voilà encore une chose qu'il détestait : être trempé alors qu'il était encore habillé. S'il n'avait pas appris toute sa vie à contrôler ses émotions il aurait volontiers flanqué une rouste à cette crapule. Au lieu de cela il déglutit et tout en retirant sa chemise épaisse, dévoilant un torse un peu musclé, juste assez pour savoir qu'il était sportif, et lança à Ralph : « Depuis tout à l'heure je me demande comment une personne de votre rang peut être avoir un intellect aussi bas, un manque aussi important de savoir vivre et en être fier. En fait, c'est inutile de chercher une réponse, vous êtes simplement une erreur dans le paysage. Ou de la Nature, à voir. » Tenant sa chemise avec les deux mains, il la tendit et l'essora le plus fort possible au dessus la tête de noeud du baron. « N'êtes vous donc jamais las d'user les autres ? Ce doit être éprouvant non ? » Il gardait sa chemise en main au cas où le baron souhaitait en venir aux mains, il aurait un martinet fait maison ! Tobias n'avait jamais donné le premier coup, c'était une règle de son géniteur. Mais après tout il y avait bien d'autres façons de toucher quelqu'un, non ?

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