Journal intime d'une princesse
N'est-ce pas idiot... ? N'est-ce pas complètement dénudé d'intérêt d'écrire dans ce petit carnet aux senteurs de narcisse blanc ?
Pourquoi.. pourquoi aux senteurs de Narcisse blanc ? Car c'est mon parfum. J'ai engagé le plus beau parfumeur, celui à l'odorat le plus minutieux, celui qui crée des parfums des plus délicats... C'était si étrange. Il a pris mon poignet, senti mon coup, effleuré ma poitrine. Et son verdict fut déclaré. Il a défini qu'une légère odeur plaisante de caramel s'émanait de mon cou, mais qu'un fragment de narcisse blanc venait s'y mêler. Et pourquoi croirais-je à ces sottises.. ? Dîtes moi. Il est évident que je n’en ai que faire.. Non, je l'ai simplement embauché pour créer un parfum fort, assez repoussant. Un parfum hautain, qui est tout aussi attirant que repoussant.. C’était mon souhait. Il a d’ailleurs ajouté que je contenais déjà ces senteurs. Qu'il ne pouvait que les exagérer. Oui, alors m’y voilà, j'ai renversé ce délicat liquide sur mon carnet... Et j'ai fermé les yeux. Ce parfum est tellement délicieux. J'ai l'impression de sentir mon propre parfum, et c'est une satisfaction intense.. Ce n'est pas pour rien que je voulais cette fleur. Le narcisse blanc. Paraît-il qu'il illustre l'égoïsme, et d'autres adjectifs encore bien déplaisants que je me passerais de lister.. Seulement, il fignole mon masque. Je suis parée. Je suis recouverte d'une immense carapace, qui me pèse lourd sur le cœur. Mais je me le dois. J'apparais comme quelqu'un de manipulateur.. et soit.. je le suis au fond.
Il m'est arrivé de manipuler des gens à la perfection, et cela, au final m'a bien joué des tours... Mon cher journal, je pense encore aujourd'hui, avoir perdu l'amour de ma vie, à cause de quelques coups minables de bassesse.. Mais mon existence ne serait-elle alors constituée que de ridicule orgueil ? Je me déteste. Je ne supporte pas ce que je suis, et ce que je suis en train d'affirmer. Voilà le centre même de ma faiblesse ; Je reconnais qui je suis véritablement.. Suis-je sensible, au fond ? A l'intérieur.. au plus profond de moi-même.. je suis faible. Je suis comme ces autres femmes, qui baissent la tête, acceptent les règles, et jouissent de cette immonde richesse.. Jamais je n'arriverais à mes fins. Et ma vie ne sera qu'un long parcours comptant échec sur échec.. Un long chemin sinueux, sans bonheur, ni sentiments. Regarde. Regarde donc mon tendre ami muet, comment tous ces gens me regardent.. Certains me nomment d'indignes, d'autres de rebelles. Certains ont peur de moi, d'autres m'envie. Mais m'envier, m'envier de quoi ? De faire semblant ? De donner l'illusion d'un bonheur parfait ? D’avoir l’air ? Il n'y a rien à envier. Seulement, tout cela, personne ne le sait.. Et personne ne l’apprendra jamais. Je suis Lady Lucrecia, celle qui les impressionne. Celle qui les manipulera, et celle qui sera acclamé et loué à sa mort... Non... Ma mort sera un soulagement pour tout le monde. Oui, voilà la vérité. Seulement, je dois bien admettre que faire marche arrière est désormais impossible.
Mais, en attendant je continuerais…
Je continuerais de
leur gacher la vie.
Je n'arrêterais point mon rôle.
Je ne succomberais pas à la tentation.
Et personne, ne se rendra jamais compte de rien...
Les larmes seront versées à l'écart des autres... Dans le noir et le silence le plus inconcevable.
Suis-je vraiment entrain de confier mon chagrin à un vulgaire morceau de papier... ? Dites-moi.. ?
Je regrette déjà ces mots.. car si quelqu'un les lisait, ils me couteraient la vie..
Mais à quoi bon.
Il faut un début à tout. Et voilà donc ces quelques phrases.. Celles qui débuteront l’écrit de toute une vie.
Mais que faire, de toute manière, je redeviendrais poussière comme je l'ai été, perdu dans les limbes d'un passé. Il ne restera surment jamais rien de celle que j'ai été.